#PasDeVague : ou la fin de l'enfant Roi?
- Octobre 2018
- par Jean-Luc ROBERT
- Psychologue à LezAPe
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Force est de constater que ce symbole représenté par un croisillon qui à l'origine permettait le classement de données sur internet (regroupement de toutes les références sur un sujet recherché par mots clés), a rapidement muté en hashtag de la délation dans une société "big brother", où chacun s'improvise reporter sans limites via la flopée de supports médiatiques que sont les smartphones et autres réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram et compagnie).
Ras-le-bol et révolution!
Et nouvelle mutation aujourd'hui, le petit croisillon semble maintenant devenir le symbole du ras-le-bol et de la révolution. A lui tout seul, il fait désormais sauter le verrou de l'omerta sur tout le globe, avec l'extraordinaire force de pouvoir circuler à une vitesse faramineuse par flux de bits. Ainsi, un "coup de gueule" peut devenir mondial en quelques heures. On observe que pour ce faire, il faut un fait marquant, très grave cette fois-ci, qui se produit sans doute parce qu'on a trop laissé faire, sans contrôle ni contestations, dans l'impunité la plus totale, dans la plus grande injustice. Des victimes résignées, réduites au silence depuis tant d'années, qui alors soudainement réveillées par cet événement violent, se remémorent toutes les fois où elles ont subi cela. Par identification, elles seront solidaires, puis un hashtag sera balancé, sonnant le début de la révolte. Le buzz se propagera instantanément, encourageant toutes les langues à se délier et à rejoindre l'onde de choc pour plusieurs mois ou années. Oui, enfin, de nombreux porcs seront balancés durant la décennie à venir, même au-délà. Et aujourd'hui, le hashtage PasDeVague, qui n'a comme ça l'air de rien, pourrait bien à son tour être le début d'une révolution dont personne n'a encore idée en matière d'éducation. Un hashtag dont on dira qu'il y a eu un avant et un après.
Une jeunesse piégée?
Il se pourrait en effet que la
"jeunesse désinvolte" se soit prise à son propre piège
en filmant ce jeune en train de braquer son professeur
devant une classe hilare, et en postant "fièrement" sur
les réseaux sociaux cette vidéo-trophée nous disant :
« Par la terreur, nous imposons nos lois, et nous nous en gargarisons. »
DES FAITS : une banale réalité…
- Un lycéen âgé de 16 ans avait braqué, avec une arme dont on a appris après coup qu’elle était factice, sa professeure qui exerçait au sein du lycée Edouard-Branly de Créteil. Ce dernier avait été mis en examen (le 21 octobre 2018) pour « violences ayant entraîné une incapacité temporaire de travail de moins de huit jours ». Fait aggravant, la vidéo de ses exploits avait été relayée sur les réseaux sociaux par un de ses camarades. On le voyait debout dans la salle de classe en train de menacer sa professeure avec un pistolet en lui demandant de l’inscrire « présent » et non « absent ».
- Un mois plus tard (20/11/18), dans le même lycée, un autre élève avait été placé en garde à vue pour « des faits de violence et outrage sur personne chargée d’une mission de service public », à la suite du dépôt de plainte d’un enseignant. Cet enseignant avait eu le malheur de demander à l’élève qui perturbait la classe de sortir quelques minutes. Ce dernier l’avait violemment poussé à deux reprises avant de quitter la salle et de proférer des injures dans les couloirs.
- Dans le Val-d’Oise, les enseignants du lycée Louis-Jouvet s’étaient mobilisés courant octobre 2018 en n’assurant pas les cours, pour protester contre une agression par un de leurs élèves qui avait giflé deux enseignantes à la suite d’une altercation dans les couloirs.
- À Osny durant la même période et dans le Val-d’Oise toujours, un lycéen qui avait agressé un enseignant voulant lui confisquer son portable avait été mis en examen pour « violence aggravée ». Cet élève âgé de 17 ans avait fait un croche-pied à son professeur d'histoire-géographie qui avait été hospitalisé.
- À Sarcelles encore (Val-d’Oise), un autre lycéen de 19 ans avait violemment frappé son professeur d'EPS, entraînant une condamnation en comparution immédiate (durant ce même mois d’octobre) et un emprisonnement de 8 mois (dont quatre avec sursis et mise à l'épreuve).
o On continue ? Un livre entier n’y suffirait pas.
L’ampleur de la polémique concernant cette agression filmée au lycée Edouard-Branly avait poussé les ministres de l’éducation nationale, de l’intérieur et de la justice, à annoncer qu’ils travaillaient activement à un renforcement de la sécurité aux abords des établissements, et à une amélioration de la prise en charge des élèves exclus à plusieurs reprises. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Ces agressions et mises en examen à la pelle dans la foulée du hashtag PasDeVague, témoignent incontestablement d’un embrasement mais aussi d’une libération de la parole de la part d’enseignants, qui depuis des années, souffrent en silence de ce dérèglement sociétal qui fait que leur autorité et leur légitimité sont constamment remises en question.
Certains diront qu'il faut une certaine inconscience pour être les auteurs de tels actes, et qu'il y a une probabilité assez grande pour que cette inconscience soit le fruit d'une succession de petits actes répréhensibles passés sous silence par une administration frileuse, société du lobby oblige (associations de parents, médias...). Nul n’ignore en effet que la hiérarchie avait plutôt tendance jusqu’à présent à demander aux enseignants de prendre sur eux, voire à les remettre en question. Le « pas de vagues » primait.
D'autres penseront qu'il s'agit de quelques faits divers qui demain seront oubliés. Il faudra alors leur rappeler qu’il ne s’agit pas de faits isolés mais de faits quotidiens se produisant dans de nombreux établissements français. Au cours de l’année scolaire 2018-2019, les chefs d’établissement du second degré public et privé sous contrat ont déclaré en moyenne 12,2 incidents graves pour 1 000 élèves (source education.gouv.fr : tableau ci-contre).
Alors ? Peut-on espérer que le #PasDeVague fera des vagues suffisamment grosses pour sonner le glas de l'enfant Roi voire du jeune délinquant dans notre société ?
Pouvons-nous faire le pari qu'à partir de cet hashtag, tout acte de délinquance exercé à l'encontre de nos institutions (enseignants et assimilés, employés de la sécurité civile...) ou même d'un citoyen, sera désormais passé au crible par l'exécutif, le vent de l'indignation ayant soufflé trop fort cette fois-ci pour n'être qu'éphémère ? Pas sûr hélas ! On a largement constaté en 2020 que la défiance de la jeunesse à l’égard des forces de l’ordre et même de tout ce qui porte un uniforme représentant l’autorité, n’a jamais été aussi grande. Et l’on pourrait aujourd’hui reprendre cet #PasDeVague initié par les enseignants pour le compte des policiers et de leurs supérieurs, qui ont clairement démontré par leur paralysie face à la violence juvénile et autres rave-parties en temps de pandémie, qu’il fallait à tout prix éviter les vagues de la critique (31/12/20 : rave sauvage ayant rassemblé plus de 2500 teufeurs en Bretagne au nez et à la barbe de qui vous savez).
Quoiqu’elle fasse désormais, la jeunesse dès lors qu’elle est en nombre, se sait intouchable.
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Auteur du livre : Ma vérité sur l'autisme, Jean-Luc ROBERT, N° ADELI : 779301076, consacre essentiellement sa carrière à l'étude et au traitement des troubles du comportement des enfants, notamment des autistes.