Peut-on considérer le châtiment corporel comme un échec?

article LezAPe : Faut-il punir votre enfant?
Drôle de question :

Que l’on puisse se poser cette question, comme s’il était possible de ne pas recourir à la punition dans l’éducation, m’interroge. Par opposition à la punition, la récompense ne fait en revanche aucun débat. On s’évertue à l’employer tous-azimuts (le bon point à l’école, le simley, le bonbon, le câlin, le bravo…) pour encourager le moindre effort, la moindre réussite, ce qui est une bonne chose.

Mais pour quelles raisons la punitions est-elle si décriée?

Sans doute parce qu’elle demeure encore attachée à une symbolique religieuse, donc morale, forte. Expier une faute, purger sa peine ou sa dette auprès d’un juge suprême qui en l’occurrence serait l’autorité parentale, ferait des parents les juges intransigeants d’une éducation à l’ancienne. Il fût un temps pas si lointain en effet, où recevoir un coup de règle sur le bout des doigts ne choquait personne. Aujourd’hui, l’instituteur qui se risquerait à agir de la sorte serait à coup sûr convoqué par ses supérieurs avec une mise à pied à la clé. Je pense que l’on peut se réjouir de cela car infliger un châtiment corporel, ou une peine morale de grande importance, c’est aller trop loin (…) et surtout, un aveu d’impuissance que l’on peut considérer comme un échec. La punition et la récompense comprennent deux polarités, l’une concerne l’ajout, l’autre le retrait. Alors la question qu’il faut se poser est la suivante : On ajoute quoi, on retire quoi et dans quel ordre de grandeur, pour obtenir quels effets ?

Les réponses des adultes au comportement de l'enfant :

- Si l’on ajoute une obligation, une peine (quelque chose de désagréable) à un comportement qui vient de se produire, on doit savoir que cela va décourager ce comportement comme souhaité. Mais doit-on aller jusqu’à ajouter une douleur physique (claque, fessée) en agissant sous le coup de la colère voire de la vengeance, et en se disant que c’est bien fait pour l’enfant qui a mérité que l’on se soulage de la tension qu’il a fait monter en nous ? Est-ce pédagogique et efficace ? Si oui, pourquoi est-on amené à reproduire cette réponse à l’infini avec un enfant qui pleure parfois même avant d’avoir reçu un premier coup ? C’est bien ce que j’appelle l’échec de l’éducation.

D’aucuns penseront que l’enfant est une tête brûlée, qu’ils n’y sont pour rien et qu’ils n’ont donc pas d’autre choix que de sévir. Ils pensent en quelque sorte avoir tiré le mauvais numéro, se déculpabilisant ainsi, se déchargeant de toute responsabilité. L’enfant n’est pas facile, il a sale caractère, les obligeant à se montrer sous un mauvais jour.

D’autres auront la capacité de comprendre qu’il s’agit d’un dialogue à deux et qu’il y a peut-être quelque chose à changer dans ce dialogue, notamment leurs réponses à ce comportement qu’ils souhaitent voir disparaître.

- Si l’on retire une chose désirée par l’enfant (quelque chose d’agréable) à un comportement qu’il vient d’avoir, on doit savoir que cela va aussi décourager ce comportement. Alors au lieu d’infliger une douleur (fessée) à la caisse d’un supermarché pour punir un enfant qui nous a harcelé pour un G.I. Joe durant les courses du week-end, pourquoi ne pas simplement le laisser à la maison la fois suivante ou chez un ami ? C’est ce que l’on appelle en terme ABA (Analyse Appliquée du Comportement) une punition négative (retrait d’une chose agréable = faire les courses en famille) pour décourager le comportement de l’enfant.

Ainsi, l’on a évité de s’énerver, de répéter mille fois, de le menacer d’une punition suprême qui n’arrivera jamais, ou de lui infliger une énième fessée publique avec pleurs théâtralisés (Warning : toutes ces réponses font plaisir à l’enfant et donc l’encouragent dans son comportement de protestation). Après deux ou trois week-ends, il apprendra que son comportement (harcèlement – opposition à la décision de l’adulte) a une conséquence qui sera toujours la même : Obtenir l’inverse de ce qu’il souhaite (être ignoré et surtout, pas exhaussé).

Ce qu'il ne faut pas faire :

Mais un enfant qui est pris en compte à chaque fois qu’il chouine, soit par une engueulade, soit par une fessée, même par des regards menaçants, ne peut pas faire cet apprentissage. Ce qu’on lui apprend alors malgré soi, c’est à maintenir son mauvais comportement en l’encourageant par une réponse agréable. Eh oui, lui crier dessus devant tout le monde, lui donner une fessée, c’est agréable dans une certaine mesure.

Qu’il s’agisse donc d’une punition avec ajout : P+ (de quelque chose de désagréable) ou d’une punition avec retrait : P- (de quelque chose d’agréable), le résultat est le même : découragement du mauvais comportement. Mais il faut veiller à ce que le retrait ou que l’ajout soient mesurés (non agis avec colère et vengeance) et surtout ne pas s’emmêler les pinceaux (croire que l’on applique une punition décourageante, alors que l’on applique en réalité un renforcement encourageant : donner une fessée à la caisse d’un supermarché = donner de l’attention = faire plaisir). Cette erreur est malheureusement souvent faite des mois, voire des années durant, et il faut garder en mémoire que plus l’erreur dure dans le temps, plus le conditionnement sera compliqué à défaire.

On peut considérer le châtiment corporel comme une forme d’échec car il s’agit d’une punition suprême à laquelle les parents recourent quand :

- L’enfant va vraiment trop loin (s’il va trop loin c’est bien qu’un apprentissage n’a pas pu se faire avant d’en arriver là),
- L’adulte n’a plus d’autres réponses. Il ne sait plus quoi répondre ou quoi faire (L’adulte est souvent hors de lui et peut s’en vouloir d’avoir dû tenir ce mauvais rôle. A court de réponses éducatives, il donne cette réponse qui peut devenir automatique, lui évitant d’analyser ce qui se passe. Et dans bien des cas, il ignore que ce châtiment corporel ne dissuade pas l’enfant, au contraire).

Enfin, pour aborder les choses sous un angle analytique, je terminerai en disant qu’il ne faut jamais oublier qu’un comportement n’est pas une maladie mais un symptôme. Si l’on veut voir disparaître le symptôme, il faut identifier à quelle maladie (à quelle angoisse), il est rattaché. Croire que l’on va faire disparaître un symptôme/comportement non désiré avec une bonne fessée est donc souvent un leurre. Se poser la question de savoir ce qui génère ce symptôme/comportement est la chose la plus importante pour pouvoir adapter sa réponse.

Il est ainsi possible et souhaitable, dans une vision intégrative (globale) d’envisager d’appliquer une punition pédagogique (non vengeresse), pour décourager un comportement non désiré, tout en considérant la dimension analytique qui nous amènera à dire à l'enfant que l'on a compris à quelle angoisse est rattachée ce symptôme, et en agissant avec lui pour la réduire, voire la faire disparaître.

Il va de soi pour répondre à la question initiale : Faut-il punir votre enfant ? que la réponse est oui, mais pas systématiquement, aveuglément, et démesurément. Il faut le punir, tout comme comme il faut le récompenser, parce que c'est bien par la récompense et la punition (donc par la conséquence résultant d'un comportement) que va se faire le fameux apprentissage que l'on appelle : "l'apprentissage par l'expérience". Un enfant qu'on ne punirait jamais, ou que l'on surprotégerait de telle sorte qu'il n'ait jamais de conséquences désagréables à vivre (facteurs extérieurs) vivrait dans une bulle qui le rendrait inadapté pour la société, intolérant qu'il serait à la moindre frustration.





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Jean-Luc ROBERT Psychologue à LezAPe
Psychologue spécialisé dans les Troubles du Spectre Autistique

Auteur du livre : Ma vérité sur l'autisme, Jean-Luc ROBERT, N° ADELI : 779301076, consacre essentiellement sa carrière à l'étude et au traitement des troubles du comportement des enfants, notamment des autistes.


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