Références théoriques 2

Article LezAPe : Du traumatisme de la césarienne à l'enfant symptôme

L'accouchement, un événement heureux selon la coutume, mais qui contient parfois une valeur traumatique pour certaines femmes. Comment est-ce possible? Pour quelles raisons ces femmes vivront-elles leur accouchement comme un moment de séparation insupportable et irréparable? Le développement théorique suivant aidera le lecteur à avoir un avis plus éclairé sur ces questions.

Notion de traumatisme en 3 temps

Il est tentant de considérer le traumatisme dans l’ici et maintenant tant la massivité de l’événement peut sidérer, surprendre. Il est légitime d’être obnubilé par le côté brutal, subit et imprévisible de l’événement traumatique, qui vient faire effraction dans le déroulement normal des choses. Cet événement surprenant désorganise à tel point qu’il est souvent difficile, voire impossible, de considérer ce qui vient avant ou ce qui est à venir après.

Or, à événement égal, nous savons que chacun réagira différemment. Pour l’un, l’événement représentera un épiphénomène dont il ne gardera pas trace, pour l’autre, il s’agira d’un traumatisme le conduisant sur la voie de la décompensation. Pourquoi une telle différence ? On parlera de sensibilités ou de personnalités différentes bien sûr, mais si un événement fait écho chez l’un et non chez l’autre, c’est peut-être aussi parce qu’il a trouvé un terrain riche chez l’un et un désert chez l’autre. Autrement dit, il faudrait s’attendre à ce que l’événement profite d’une prédisposition pour faire impression dans un deuxième temps.


Rappelons que le but du refoulement étant l’inhibition totale de l’affect de déplaisir, un refoulement efficace saura mettre en œuvre tout ce qu’il faut pour éviter un retour. Seule la survenue d’un deuxième événement de taille tel que l’est l’accouchement, pourra mettre en échec le refoulement et dévoiler les failles causées par une expérience précoce. La valeur traumatique de l’événement ne se dévoilerait donc que dans l’après-coup d’une seconde scène (2ème temps), qui raviverait le souvenir d’une scène antérieure assimilable à la première (1er temps). Le 3ème temps serait celui de l’apparition du symptôme comme solution défensive contre l’angoisse.

 

Monique BYDLOWSKI, dans son article « le cauchemar de la naissance », résume bien la situation en expliquant que le trauma est souvent à décomposer en deux temps. Le premier temps se situe dans l’enfance, et le second est un rappel parfois banal de la première scène par association. Le souvenir de la première scène déclenche l’afflux d’excitation qui déborde les défenses du sujet : « Si la première scène est traumatogène, on peut dire que c’est après-coup que cette valeur lui est conférée. »[1]

Il est ainsi question de cauchemars récurrents, d’un ressassement de l’événement qui est une tentative répétée de liaison visant l’abréaction du trauma. Cette répétition hallucinatoire de la perception traumatique qui s’impose au sujet est déjà un processus bien mentalisé, un début d’élaboration.

« Le souvenir de la première scène… » Mais quel pourrait être ce souvenir au juste ?

 

1er temps : perturbation initiale du lien

Nous entendons par traumatisme originaire, le premier qui a eu lieu dans l’enfance, une perturbation initiale du lien qui pourrait faciliter l’instauration d’un trauma dans l’après-coup d’une situation similaire. Cette prédisposition pourrait dépendre de la manière dont cette première rupture aura été supportée par le Moi.


Variations dans la conduite de la mère

Le comportement maternel comme tout autre comportement, connaît des fluctuations plus ou moins importantes. La morale voudrait certainement qu’on ne cautionne pas les écarts de conduite en la matière, mais peut-être pouvons-nous comprendre que les soucis qui traversent la vie d’une femme ne lui donnent pas la possibilité d’adopter une conduite invariable.

Rudolph SCHAFFER[2] insiste sur la variabilité du comportement parental, en expliquant que nous ne pouvons envisager une invariabilité dans l’attitude des parents à l’égard de leurs enfants. Il invoque les nombreuses influences pouvant entraîner des modifications dans la relation avec l’enfant, telles que la venue d’un autre enfant ou de nouvelles ambitions professionnelles.

Il ressort de son étude un message important, à savoir qu’il faut désidéaliser le comportement maternel. Il est nécessaire d’admettre qu’il n’est pas stable et que cette instabilité influe forcément sur l’enfant à des degrés divers.

Du côté de l’enfant, l’attachement est aussi variable, mais la dépendance n’en demeure pas moins importante jusqu’à l’entrée dans l’âge adulte. Cette dépendance aux parents qui était totale dans la petite enfance (change, toilette, nourrissage…) devient partielle plus tard (écoute, soutien, conseils, encouragements, accompagnement, reconnaissance…) mais existe bel et bien.

On pourrait donc envisager que l’enfant, qu’il soit grand ou petit, cherche à établir un lien sécurisant et privilégié avec ses parents, et que la rupture partielle ou totale de ce lien constituerait ainsi un traumatisme. Il la surmonterait plus ou moins bien selon la constitution de son Moi, mais il garderait quoi qu’il arrive, une sensibilité à la perturbation initiale du lien.

 

2ème temps : l’après-coup

Persistance de l’inquiétude

Le temps où les femmes inhalaient du trichloréthylène pour supporter la douleur est révolu. Elles sont nombreuses aujourd’hui à assister aux cours d’accouchement sans douleur dispensés en milieu hospitalier et à demander qu’une anesthésie péridurale soit pratiquée. L’évolution du savoir médical leur a permis d’envisager un accouchement moins pénible, mais l’événement n’en demeure pas moins craint par une majorité d’entre elles : Comment sera-t-il possible d’apprivoiser la douleur ? Sera-t-il possible d’avoir une emprise sur les événements ? Les cours d’accouchement sans douleur et autres soutiens peuvent quelque peu les rasséréner, mais ne peuvent dissiper entièrement leur appréhension de vivre une expérience solitaire face à laquelle certaines se sentent démunies.

Pour expliquer ces craintes face à l’expérience de l’accouchement, il nous faut tenir compte de l’héritage du passé qui a laissé le souvenir d’une longue agonie dont l’issue finale pouvait être la mort. Rappelons-nous en effet que la plus grande cause de décès en 1900 était la septicémie du post-partum que l’on nomme fièvre puerpérale. Les femmes accouchant dans les premiers hôpitaux caritatifs étaient victimes de ces infections mortelles. A cette époque, la femme en couches redoutait la mort à chaque grossesse, les mois qu’elle vivait avant l’accouchement étant peut-être les derniers.


Bien que la fin du XIXe siècle ait été marquée par l’expansion de la technologie médicale et par un développement rapide de l’obstétrique, l’accouchement est resté imprégné de cette image mortuaire héritée du passé. Mais si le risque de l’enfantement est surévalué par les femmes, c’est peut-être aussi parce que la réalité de la grossesse avec ses nombreuses complications n’est en rien rassurante. Dire que la grossesse comprend une part de mort est en effet une réalité quand on sait qu’une mère qui accouche pour la première fois peut avoir connu précédemment plusieurs échecs, tels qu’une grossesse extra-utérine, une fausse couche, ou un avortement thérapeutique.


Une autre réalité est celle des douleurs du travail qui se présentent avec un intervalle régulier. Il n’est pas possible aux femmes d’influer sur les contractions rythmées par le fœtus. Elles doivent par conséquent pendant de longues heures, laisser le travail se dérouler, ressentant parfois une perte de contrôle totale sur leur corps.
Michel SOULÉ affirme que cette perte de contrôle, ainsi que cette épreuve de passivité où il faut subir, ramène la femme à des angoisses archaïques. Il pense que le changement de position soudain (actif / passif) prend valeur de traumatisme au sens freudien de l’après-coup : « La mort est présente à l’esprit de la parturiente comme si cette force en elle, qu’elle ne peut ni maîtriser ni interrompre, allait l’écraser. »[3] affirme-t-il. L’auteur émet l’idée que quelque chose de transpersonnel[4] semble se jouer au moment où la femme comprend qu’elle est à la merci d’une force qui la dépasse et qui s’exerce malgré elle.

L’accouchement se présente ainsi à certaines femmes comme une épreuve difficile et redoutable à laquelle il faut faire face. D’un côté demeureront des désirs qui se traduiront par la représentation d’un bébé sain et beau qu’on accouche en présence du conjoint ; l’autre face de la médaille sera toute l’incertitude autour de cette grossesse qui s’est déroulée in utéro et dont l’échographie n’a pu dévoiler tous les mystères.


La césarienne au-delà de la douleur 

Dans cet état particulier où l’on reconnaît que le psychisme de la femme est modifié[5], et où l’inquiétude persiste, la catastrophe qui aura été anticipée maintes fois, aura de fortes chances de laisser une trace profonde lorsqu’elle surviendra dans le réel. Cette catastrophe qui peut se traduire par un décalage entre l’enfant réel et l’enfant fantasmé, ou par un décalage entre l’accouchement réel et l’accouchement imaginé, restera souvent indécelable pour tous ceux qui gravitent autour de la mère (médecins, sages-femmes, conjoint). Parfois, la mère elle-même sera persuadée que tout s’est bien passé.


Michel SOULÉ fait remarquer qu’il ne sera pas toujours évident de maintenir la cohérence entre l’image sociale, rassurante, d’un accouchement épanouissant, et le cauchemar de ce qu’a été l’accouchement douloureux.

Mais si la douleur est ce qui attire notre attention au premier coup d’œil, il ne faut pas oublier que l’accouchement est empreint d’une symbolique à laquelle il est difficile de ne pas être réceptif. Cette symbolique, souvent occultée au profit des faits, est particulièrement forte pour l’accouchement par césarienne. Il s’agira pour certaines femmes, dont l’histoire personnelle s’y prête, de l’acte chargé de symboles par excellence. Elles témoigneront à ce sujet en disant qu’elles ont ressenti un sentiment de dépossession. L’acte du chirurgien qui coupe le ventre et qui s’empare du nourrisson, sera parfois vécu comme une intrusion les renvoyant à leur incapacité. De plus, le fait que l’opération soit masquée par un rideau, peut leur ôter toute illusion de vouloir apporter leur concours à la mise au monde de leur bébé.

On imagine bien sûr que la césarienne programmée sera mieux supportée que celle qui se décide à la dernière minute. Et s’il est vrai qu’un manque de recul par rapport à l’événement peut créer une situation difficile à gérer, il faut néanmoins prendre en considération la réalité de l’opération à laquelle il est difficile d’être vraiment préparée. Rappelons-nous simplement que tout événement peut constituer un traumatisme à partir du moment où il est inadmissible pour un individu. A ce titre, l’accouchement le plus banal peut être vécu sur un mode traumatique, car si l’événement est prévu à l’avance, son effet restera toujours imprévisible.


Rupture du lien

Outre la frustration de ne pas avoir pu s’approprier entièrement la fin de leur grossesse, certaines femmes, dont le vécu les a sensibilisées à la séparation, pourraient voir dans la césarienne le symbolisme d’un lien rompu.

Il fut un temps où l’on anesthésiait intégralement les femmes, les privant de toute possibilité relationnelle précoce avec leur nourrisson. Aujourd’hui, la césarienne est souvent pratiquée sous anesthésie péridurale afin notamment d’éviter cette rupture du lien, mais certains obstétriciens pensent tout de même que la césarienne elle-même « entrave déjà la qualité de la relation précoce entre la mère et son enfant. »[6]


Une première rupture pourrait être le bloc opératoire et l’éloignement du conjoint qui sera dans la majorité des cas dans l’impossibilité d’accompagner sa femme et de couper le fameux cordon comme il se fait fréquemment maintenant. Et le bloc opératoire, qui est un lieu où l’on trouve un appareillage impressionnant, ne ressemble en rien à celui de la salle de travail plus intime.

Une deuxième rupture pourrait être l’intervention du chirurgien qui prend l’enfant à la mère en la privant de la possibilité de le donner elle-même. En effet, il n’y a guère besoin de lui demander une quelconque participation, puisqu’anesthésiée, elle ne sent rien comme c’est souvent le cas, et qu’elle demeure en plus de l’autre côté du rideau, sans contact possible avec la réalité de ce qu’il se passe.

Une troisième rupture serait enfin la séparation souvent prolongée d’avec l’enfant. Le bloc opératoire est un lieu où la température, pour des raisons de stérilisation, n’est pas très élevée. Il faut donc vite extraire le bébé de ce lieu et l’amener au chaud. Il y aura aussi la nécessité de recoudre la mère, ce qui implique un allongement du temps. La durée de la séparation est très variable en fonction des circonstances et des hôpitaux, mais elle reste toutefois bien plus longue que lorsqu’il s’agit d’un accouchement par voie basse.


Françoise Edmonde MORIN[7], qui en 1985 nous alertait déjà du taux alarmiste de césariennes pratiquées, fait remarquer que dans la majorité des cas, être césarisée contraint la femme à ne pouvoir voir son enfant pendant plusieurs heures, et la prive d’un contact nécessaire. Elle dénonce ces nombreuses césariennes « non indispensables » pratiquées hâtivement pour des raisons de confort. Elle affirme que les césariennes pratiquées avant le début des contractions contrarient le processus de la grossesse, empêchant l’enfant de décider en harmonie avec la mère de l’instant du déclenchement. Déresponsabilisée, elle ne conserverait plus aucune prérogative. La césarienne avant travail aurait pour conséquence de « nier l’importance du temps de l’ouverture »[8] qui vient après l’ascension progressive vers un point culminant, qui est celui de la dilatation complète.

Elle affirme également qu’une retombée fréquente et connue de la césarienne est d’hésiter à croire qu’on a bien enfanté l’enfant qu’on n’a pas vu naître. Elle parle de la frustration que pourront ressentir certaines mères à ne pas avoir vu naître l’enfant, mais aussi à en avoir été rapidement séparées : « Certaines ont mené le travail jusqu’à la dilatation complète et sont frustrées au dernier moment de cette énorme gratification qui est de prendre l’enfant dans ses bras. »[9]

 

3ème temps : l’enfant-symptôme

Le but du symptôme

« De quelle angoisse l’enfant (devenu symptôme) fait-il faire l’économie à la mère ? »[10]. C’est la question fondamentale que pose Michèle BENHAÏM dans son ouvrage : Les troubles de la relation à la mère au chapitre [Souffrance maternelle : être malade de l’enfant]. Elle explique l’impossibilité de se séparer d’un enfant pour lequel on sacrifie son être et pour lequel on veut être tout. Elle fait aussi remarquer dans son deuxième ouvrage : La folie des mères, la difficulté pour ces femmes de renoncer à être LA mère et d’accepter d’en être une. Ceci impliquerait en effet de reconnaître dès la naissance qu’une partie de l’enfant se dérobe et se dérobera toujours à soi. Cette reconnaissance serait renoncer à la toute-puissance et accepter que l’enfant puisse distendre le lien à sa guise. Cette distension du lien tant redoutée, est l’obsession de la mère sourde qui vit dans l’angoisse perpétuelle d’une répudiation.

Nous pouvons alors nous interroger sur la provenance de cette angoisse de séparation d’avec l’enfant.

D’après les auteurs précités, l’enfant-symptôme serait la manifestation d’une angoisse ayant pour but l’abréaction du trauma initial, qui est la séparation ressentie comme douloureuse d’avec la mère. Il représenterait en quelque sorte l’ersatz qui se manifesterait dans le but de solidifier désespérément un lien originel insatisfaisant.

 

Genèse de l’enfant-symptôme

Est-il légitime de penser que chez certaines femmes, l’enfant-symptôme attend tout simplement de naître ? Et si la reviviscence de la rupture originelle par la césarienne est envisageable, peut-on pour autant envisager qu’elle détermine l’évolution des échanges relationnels entre la mère et son enfant ?

Si la comparaison peut paraître choquante au premier abord, nous devons bien admettre que l’assuétude de la mère envers son enfant ressemble de près ou de loin à celle du toxicomane envers sa drogue. Celle-ci surconsomme, s’angoisse à l’idée de ne plus en avoir assez, et ne supporte pas de rester sans. Elle semble insatiable, toujours insatisfaite, proche de l’overdose, aux dépens de l’entourage (conjoint, parents, amis, enfant concerné), qui supporte difficilement les excès que suscite cette dépendance extrême.

Chez ces femmes, on peut affirmer que quelque chose a fait défaut et continue à manquer. La personne dépendante qui a recours à son enfant pour calmer son angoisse, ne peut jamais être satisfaite dans la mesure où le symptôme n’est que la vulgaire compensation de ce qui a été perdu ou contrarié. La quête est donc perpétuelle, le désir insatiable.

Ces dyades fusionnelles mère-bébé, sont aussi semblables à ces couples fondés sur le manque de l’un et de l’autre qui ne tiennent que parce que l’un vient combler le manque de l’autre. Il suffit souvent que l’un guérisse pour que l’autre voie son monde s’écrouler. Ce genre de revirement marque souvent la fin d’un couple illusoire. Dans ce contexte, l’enfant qui guérirait de la mère la condamnerait pareillement, la plongeant à nouveau dans l’angoisse d’un manque insupportable. Cet enfant qui sait être tout pour sa génitrice, se trouve alors condamné à garder sa fonction « comblante » s’il ne veut pas provoquer la destruction de celle-ci, et voir du même coup son propre monde s’effondrer.

La psychanalyse nous enseigne que ces angoisses primitives prennent leur source dans l’enfance où se joue en grande partie le devenir de la personne adulte. L’enfance est en effet le lieu où se joue les premiers scénarios de perte, d’abandon, de frustration ; nous devons pour cette raison la considérer comme déterminante dans la manière dont s’édifiera le rapport à la maternité de la petite fille. Considérer ici l’enfance, lieu des toutes premières représentations, c’est prendre en compte ce qu’il peut y avoir de
transgénérationnel en chacun de nous, et qui nous fait inconsciemment rejouer des histoires anciennes.

S’interroger sur la genèse de l’enfant-symptôme, c’est donc s’interroger sur la psychogenèse de la mère de cet enfant. Nous savons que chacun des stades de l’Œdipe est organisateur de l’état présent du fonctionnement psychique, mais aussi de son état à venir. Et c’est bien dans l’enfance oui, plus particulièrement dans le scénario œdipien, que pourrait se jouer la future naissance de l’enfant-symptôme.


La théorie Freudienne nous explique que la castration, crainte par le petit garçon, peut être évitée par le renoncement aux désirs œdipiens, alors que pour la fille cette castration serait déjà effective. L’envie de pénis deviendra cet objectif à atteindre, qui trouvera sa réalisation dans le désir d’enfant substitut de l’envie de pénis.

Cette théorie freudienne de la castration repose, comme nous l’avons dit lors du chapitre précédent, sur une conception phallocentriste de l’organisation génitale infantile à laquelle chacun est libre d’adhérer ou de ne pas adhérer. Notons simplement que la castration, qu’elle soit celle du pénis perdu ou celle du pénis à conquérir, est ce qui viendra, dans un complexe d’Œdipe où il faut renoncer à posséder la mère ou le père et où il faut se comparer, rivaliser avec l’un ou l’autre, marquer le garçon ou la fille dans son évolution. L’Œdipe confronte ainsi de manière implacable l’enfant à une perte qui lui fait vivre une incomplétude narcissique qu’il lui faut surmonter.


Il faut aussi savoir que le modèle parental peut dans certaines circonstances, mettre à l’épreuve la capacité identificatoire de l’enfant. Comment intérioriser un lien sécurisant à la mère quand celle-ci ne l’a pas elle-même intériorisé, et n’a pu le transmettre ? Comment se dissocier de ce modèle parental imparfait quand il a suscité en nous tant de remous, pour s’en créer un qui soit davantage à sa convenance ? C’est là toute la problématique de l’enfant-symptôme qui représente souvent la surcompensation du trop peu par l’exubérance. Nous parlons là d’un rééquilibrage difficile qui verse fréquemment dans l’excès d’un côté ou de l’autre. Soit l’enfant devenu adulte se promet de ne surtout pas faire comme papa et maman lorsqu’il deviendra parent, et dans sa trop grande volonté de se différencier, commet l’erreur d’approcher les extrêmes de l’autre pôle ; soit la différenciation est impossible et l’enfant reproduit malgré lui le modèle parental. C’est bien là tout le drame de la pathologie qui souffre d’une incapacité à contrôler la quantité.


L’enfant-symptôme, comme bon nombre d’autres manifestations névrotiques, découlera de cette tentative de rééquilibrage d’un sentiment négatif vers un sentiment positif. Ainsi :

-        Si l’on envisage un sentiment d’incomplétude trop vivement ressenti dans l’enfance, la femme devenue mère, pourra avoir tendance à faire de sa progéniture le prolongement d’elle-même, dans une quête sans fin de sa complétude (lutte contre la castration).

-        Si l’on envisage un sentiment désagréable tel qu’un lien défectueux aux parents ressenti dans l’enfance, l’excès inverse voudra que l’enfant devenu parent soit très/trop soucieux du lien qui le lie à ses enfants (lutte contre la perte d’objet).

Ces propos réaffirment simplement l’idée que l’histoire infantile est ce qui détermine l’évolution de l’adulte. Tout symptôme névrotique n’est que l’actualisation d’une histoire ancienne qui n’a su trouver sa résolution en son temps.

Quelle serait donc la place d’un événement comme la césarienne dans la genèse de l’enfant-symptôme ? Pourrait-il lui aussi être le motif d’un rééquilibrage qui conduirait la mère à être excessive, sans qu’il n’y ait d’antécédents d’aucune sorte dans l’histoire de celle-ci ?

-        Répondre oui à cette question, serait placer la césarienne comme l’agent pathogène capable à lui seul d’entraîner la dyade mère-enfant sur un terrain bancal.

-        Répondre non à la question, serait envisager l’événement traumatique de la césarienne comme jouant un rôle de réactivation de la blessure infantile. Et l’on peut penser que la pérennité de ce traumatisme, confirmerait bien que la mère se serait trouvée dans la difficulté quelle qu’eût été sa manière d’accoucher.

De toute évidence, la réponse à cette question après ce long développement, est négative. L’accouchement le plus traumatique qui soit ne pourra jamais justifier à lui seul une dyade fusionnelle initiée par la mère.


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[1] Monique BYDLOWSKI, Le cauchemar de la naissance, Contribution à la représentation inconsciente de l’accouchement, Topique, 17, (Revue Freudienne). p.144, 1976.

[2] Rudolph SCHAFFER, Le comportement maternel, Bruxelles, Pierre Mardaga éditeur, 1981.

[3] Michel SOULÉ, L’enfant imaginaire, sa valeur structurante dans les échanges mère-enfant in T. B. Brazelton, Cramer B., L. Kreisler, R. Schäppi, La dynamique du nourrisson, Paris, Les éditions E.S.F. p.147, 1982.

26 Au-delà de l’individu.

 

27 Michel SOULÉ, Ibid., p.152.

[6] Jean-Marie THOULON, Francis PUECH, Georges BOOG, Obstétrique, Université francophone, Paris, Ellipses, p.822, 1995.

[7] Françoise Edmonde MORIN, Petit manuel de guérilla à l’usage des femmes enceintes, Paris, Seuil, 1985.

[8] Françoise Edmonde MORIN, Ibid., p. 75.

[9] Françoise Edmonde MORIN, Ibid., p. 75.

[10] Michèle BENHAÏM, Op. Cit., p.92. 1992.




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Jean-Luc ROBERT Psychologue à LezAPe
Psychologue spécialisé dans les Troubles du Spectre Autistique

Auteur du livre : Ma vérité sur l'autisme, Jean-Luc ROBERT, N° ADELI : 779301076, consacre essentiellement sa carrière à l'étude et au traitement des troubles du comportement des enfants, notamment des autistes.


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