Agression
de policiers et violences urbaines : agressions mimétiques?
- Mars 2021
- par Jean-Luc ROBERT
- Psychologue à LezAPe
... agressions de
policiers, de maires, de pompiers, de jeunes… >
smartphones > réseaux sociaux... >> à chaque
fois, le même mode opératoire.
Un signe de bonne santé mentale est la capacité que nous avons, dès la première heure de notre vie, à imiter les autres et à calquer nos désirs sur les leurs. Neuropsychiatre et psychologue, Jean-Michel OUGHOURLIAN[1] a exploré ce phénomène instinctif qui dépasse notre volonté, surtout lorsqu’il est renforcé par l’influence du groupe.
Au regard de ces travaux, peut-on aussi considérer que l’agression de policiers à Champigny[2] le 31/12/17, et Aulnay-sous-bois le jour suivant, aient été mimétiques ? Car combien d’agressions de policiers seront par la suite filmées et diffusées sur les réseaux sociaux ? Il en sera de même pour tout représentant de l’ordre et de l’autorité (enseignants, pompiers, gendarmes…). Ils seront un peu partout sur le territoire provoqués (guet-apens), humiliés dans des agressions qui attenteront parfois à leurs vies, et balancés sur des réseaux sociaux moqueurs. Ce modus operandi récurrent d’une jeunesse remettant en question l’uniforme pose vraiment question aujourd’hui.
La mentalité du groupe
Car en effet, par identification, un groupe dont la mentalité est par exemple : « le sentiment d’une oppression par un système politique jouant en sa défaveur (les exclus du système) », peut facilement se reconnaître dans la persécution ressentie qui a conduit un autre groupe à agresser deux policiers à Champigny la nuit du 31/12/17. S’y reconnaître, mais aussi le moment opportun, avoir envie par solidarité et parce que ce fait aura ravivé un sentiment d’injustice, de passer à l’acte à son tour.
Le mimétisme est un réflexe inné,
automatique, spontané et inconscient, qu’on peut
difficilement défaire. Nous sommes inexorablement
influencés par notre univers (artistique pour les
artistes, amical ou professionnel pour ce qui est de notre
vie en société). Ainsi, lorsque nous croyons créer quelque
chose d’original, c’est toujours plus ou moins sous
influence (la somme de notre expérience). En résumé, les
idées professionnelles que nous croyons entièrement les
nôtres ne le sont pas uniquement, tout comme notre style
vestimentaire, nos goûts musicaux, sont sous influence.
D’ailleurs, il serait dangereux d’être trop en marge. On
pourrait alors, comme cela a été le cas de quelques
artistes, être taxés de fous avant peut-être que l’on nous
considère comme des génies posthumes.
Andrew MELTZOFF, responsable de l'Institute for Learning and Brain Sciences de l'université de Washington, a démontré que juste après l'accouchement, les bébés étaient capables de l’imiter en tirant la langue à leur tour. C’est ainsi que tout au long de notre existence, nous nous façonnerons et deviendrons le modèle unique que nous sommes, en recourant à l’imitation et à l’identification. Nous désirerons de façon mimétique ce que les êtres qui nous sont chers désirent. Nous désirerons aussi appartenir à notre groupe social, lui plaire. Voilà pourquoi un individu qui se trouve sous l’influence de son groupe social pourra se comporter de façon radicalement différente.
En d’autres termes, lorsque l’on parle d’un groupe d’agresseurs, il ne faut jamais oublier qu’il s’agit d’un groupe, certes constitué de membres distincts, mais d’un groupe qui possède sa propre mentalité, et qui au nom de cette mentalité agit. Oui, le groupe est bien une entité parfois dangereuse qui peut désigner comme cible-punching-ball la police un 31 décembre et susciter l’indignation de l’exécutif : « Les coupables du lynchage lâche et criminel des policiers faisant leur devoir une nuit de 31 décembre seront retrouvés et punis », avait réagi Emmanuel MACRON sur Twitter. Il n’avait pas encore idée de l’aggravation d’un climat insurrectionnelle qui allait durablement plonger les forces de l’ordre dans le marasme. Une haine anti-flics dans laquelle la jeunesse prendra une grande part allait croître de façon exponentielle en France durant son quinquennat.
...
[1] Jean-Michel OUGHOURLIAN a inscrit ses travaux dans les pas de « la théorie mimétique » du philosophe René GIRARD. Il est l’auteur de « Notre troisième cerveau » et de « Cet autre qui m'obsède » (Albin Michel, 2013 et 2017). Selon lui, le mimétisme est un phénomène incontournable qui peut favoriser le passage à l’acte de vrais fanatiques (violences et terrorisme). Les cellules miroirs présentes dans notre cerveau font que les mêmes zones seront activées chez celui qui est spectateur. Source de tous les apprentissages, le mimétisme est donc aussi la source de toutes les rivalités et violences.
[2] Lors de la nuit de la Saint-Sylvestre du 31 décembre 2017, une soirée privée organisée (sans l’autorisation de la mairie et de la préfecture) dans un hangar d'une zone industrielle de Champigny-sur-Marne, a amené une intervention de la police qui a dû faire face à plusieurs centaines de personnes faisant la fête dans ce local inapproprié. Les deux policiers (Laurie, une gardienne de la paix de 25 ans et son supérieur, un capitaine de 48 ans) ont été isolés puis roués de coups au sol. Et comme cela se fait malheureusement de plus en plus, le passage à tabac a été filmé par plusieurs participants de la fête et est devenu viral sur internet. Alors que le lynchage de la jeune policière durait de longues secondes, le jeune qui filmait se trouvait dans un état d’excitation certain, exultant, « ouais, ouais… » à de nombreuses reprises comme en atteste les vidéos en ligne. Les auteurs des faits avaient entre 16 et 20 ans.
Auteur du livre : Ma vérité sur l'autisme, Jean-Luc ROBERT, N° ADELI : 779301076, consacre essentiellement sa carrière à l'étude et au traitement des troubles du comportement des enfants, notamment des autistes.