Quand
l'échec devient un atout contre l'angoisse
- Avril 2019
- par Jean-Luc ROBERT
- Psychologue à LezAPe
Comment être le dernier de la classe, le ou la cancre
dont tout le monde se moque, peut-il être un statut
recherché et secondairement bénéfique à l’élève ?
C'est ce que nous allons voir en étudiant le cas particulier des élèves obtenant ces bénéfices secondaires par leurs comportements.
Celui ou celle qui obtient VS celui ou celle qui donne
Il faut savoir que les bénéfices
que l’on appelle « secondaires », sont souvent
invisibles pour tout ou partie des personnes qui
entourent celui ou celle qui les obtient. On pourrait
parler de réponses encourageantes données à l’insu des
personnes qui les donnent. Ces personnes renforcent le
mauvais comportement de l’enfant, bien qu’elles aient le
farouche désir de le faire au contraire cesser.
Selon le principe du conditionnement, l’enfant qui
obtient une réponse agréable pour lui, est encouragé à
reproduire son comportement. Pourquoi? Parce que Le
cerveau garde en mémoire qu’à chaque mauvais
comportement émis, se succède une ou des conséquences
agréables (apaisement de l’angoisse).
En général, les instituteurs.trices, parents et autres
proches, pensent que l’enfant ne peut avoir aucun
intérêt à avoir pareil comportement. Aucun intérêt
conscient peut-être, mais un intérêt inconscient et
secondaire, sûrement.
L'enfant met alors tout le
monde en échec et peut en tirer une certaine
jouissance :
"Mon fils me rend folle! Comment peut-il être
aussi..." Le
parent est aussi blessé dans son narcissisme par
cette situation : regard
de l'école, de la famille, des amis.
La définition
Car
en effet, avoir un bénéfice secondaire, c’est tirer
un bénéfice inconscient d’une situation censée être
défavorable, mais dont l’arrêt signifierait la
perte du bénéfice en question.
Le bénéfice secondaire pourrait se distinguer du
bénéfice primaire par sa survenue après coup, comme un
gain supplémentaire qu’on ne pourrait imaginer de prime
abord.
En d'autres termes pour nos cher.e.s élèves
- être puni pourrait
secondairement être un bénéfice,
- et être un mauvais élève pourrait aussi être un
bénéfice.
Mais quels peuvent être
ces bénéfices puissants qui agissent comme de
véritables récompenses motivantes pour reproduire à
l’infini ces mauvais comportements ?
Comment être le dernier de la classe, le ou la cancre
dont tout le monde se moque, peut-il être un statut
recherché et secondairement bénéfique à l’élève ?
A cette question je répondrai par une série de questions
que j’adresse aux lecteurs :
Etre nul.le suscite-t-il que des moqueries?
Avoir la prétendue malchance d’être moins
intelligent.e, d’être en quelque sorte handicap.é.e,
pourrait susciter quels ressentis chez autrui?
-
De la bienveillance, de l’écoute, de l’empathie, de
l’attention, de l’affection devant tant de malheur
peut-être?
- Si maman, papa, la maîtresse,
s'inquiètent tant pour moi c'est donc qu'ils m'aiment?
Vraiment?
Curieuse façon d’obtenir de l’affection de la part de la
maîtresse ou du maître je le concède, mais à défaut de
pouvoir en obtenir en étant le premier de la classe…
La force de l'inconscient
Car en effet, il ne faut pas se
dire que celui qui bénéficie secondairement d’un
avantage est un froid calculateur conscient. Il s’agit
plutôt de se dire qu’il est un opportuniste qui s’est
empiriquement rendu compte (à un niveau inconscient)
qu’il y avait un avantage à :
- échouer (à l’école, au sport ou au travail),
- rester en couple avec une personne qu’on n’aime plus
voire qu’on déteste,
- être trahi.e, agressé.e, dépossédé.e, martyrisé.e,
malade…
Oui, impensable pour nos esprits cartésiens de se dire
de prime abord qu’il pourrait être avantageux pour le
malade que certains maux perdurent, et pourtant.
Vous pensez alors qu’être le.la dernier.e de la classe
est une peine bien supportable pour un.e élève en quête
d’affection, au regard de tous les bénéfices dont
il.elle pourra tirer de son statut.
Les conséquences à long terme
Le problème est que lorsque cette
boucle dure dans le temps, elle se trouve renforcée à un
point où l’enfant peut en grande partie construire sa
personnalité sur ce comportement néfaste qui lui collera
désormais à la peau.
Comme pris.e à son propre piège, encore une fois sur le
plan inconscient, on peut envisager que le.la mauvais.e
élève devienne par la suite un.e adulte persuadé.e
d’être réellement incapable.
Ces cas ne sont peut-être pas si rares qu’on pourrait
le penser. C’est la raison pour laquelle il est je
pense souhaitable que les enseignant.e.s, orthophonistes
et autres professionnel.le.s concerné.e.s par les
apprentissages, soient vigilant.e.s sur ce point, considérant
qu'il en va de l'avenir des élèves en question.
Auteur du livre : Ma vérité sur l'autisme, Jean-Luc ROBERT, N° ADELI : 779301076, consacre essentiellement sa carrière à l'étude et au traitement des troubles du comportement des enfants, notamment des autistes.