Coronavirus : Comment ne pas céder à la panique?
- Mars 2020
- par Jean-Luc ROBERT
- Psychologue à LezAPe
Que disent les études ?
A lire aussi : https://www.lezape.fr/articles/covid-19-petit-guide-du-confinement-en-famille.html
Les conséquences d'une surexposition à
certaines images :
S'intéressant
à l'impact des nouveaux médias sur la jeunesse, Serge
TISSERON, sociologue, et Blandine KRIEGEL,
philosophe, ont dans un rapport sur la violence à
la télévision, démontré qu'un temps important
d'exposition à des images violentes (lorsque
les enfants passent de 1 heure de visionnage à plus
de 3 heures), fait passer la proportion
d'auteurs d'actes agressifs de 5,7% à 25%.
David
ASSOULINE (historien), s'intéressant également aux
jeunes et aux nouveaux médias, a mis en évidence
concernant l'impact des images violentes, que l'on
pouvait observer chez une majorité de sujets :
- une augmentation des comportements violents,
- une baisse de l'inhibition et de la culpabilité,
- une augmentation du sentiment d'insécurité,
- une peur de devenir victime à son tour,
- et une diminution de l'empathie due à une désensibilisation à la violence.
Cette
étude très riche d'enseignements sur l'influence que
peut avoir la récurrence d'images violentes défilant sur
les nouveaux médias, peut évidemment être
transposable pour la question d'une surexposition
de la jeunesse à des images pornographiques en accès
libre. Mais qu'en serait-il pour des images
anxiogènes qui seraient récurrentes ?
COVID-19 : images anxiogènes récurrentes
Lorsque tous les
médias (internet, presse papier, radio, audiovisuel...)
n'abordent qu'un sujet central, rendant les autres
invisibles, on peut parler d'une récurrence
extraordinaire d'images et de propos, qui par leur
force, auront un impact énorme sur les comportements des
un.e.s et des autres.
On voit déjà apparaître
chez certains sujets anxieux :
-
une somatisation importante : Nous rappelons
que la somatisation ou psychosomatisation, est
l'expression d'une souffrance intra-psychique par des
plaintes d'ordre somatique. Il est à noter que cette
somatisation ne produit pas nécessairement des
symptômes en rapport avec ceux du COVID-19.
-
un effet nocebo...
COVID-19 : effet nocebo
L'effet "nocebo" (du latin
: "je nuirai") est un effet psycho-physiologique
introduit par Walter KENNEDY (médecin) en 1961,
lié à la prise d'une substance neutre qui entraîne
pourtant des effets indésirables (symptômes
négatifs) chez un sujet ayant la conviction de la
nocivité du produit en question. Nous connaissons mieux
l'effet opposé appelé "placebo", qui lui entraîne des
effets positifs, voire la guérison, lorsque le sujet
pense ingérer un médicament curatif.
Vous l'aurez compris, la surexposition massive aux images du COVID-19, ennemi public N°1 au centre de toutes les conversations, peut être assimilée à l'ingestion d'un produit néfaste (contaminant) pouvant entraîner sur nous des effets négatifs, bien que d'aucuns, rationnels, penseront légitimement qu'il s'agit d'images inoffensives/neutres.
L'effet "nocebo" dont nous parlons agit bien sûr à notre insu, pour nous faire craindre, au fil des images défilant sur nos écrans, et sans raison garder, une contamination, certaines personnes pouvant ainsi voir apparaître quelques symptômes (fièvre, accélération du rythme cardiaque, toux...), sans être pour autant porteuses du virus.
Un effet "nocebo" puissant : peut donc faire qu'un
sujet développe malgré lui, dans cette ambiance
anxiogène, des symptômes sans maladie réelle comme on le
constate dans les cas d'hypocondrie.
L'angoisse de mort,
bien connue en psychologie, peut toucher à des niveaux
divers toute personne, et nul doute qu'un évènement
extraordinaire comme celui que la France connaît depuis le
mois de février 2019, peut accentuer chez certains des
manifestations d'hypocondrie (qui
se caractérisent par une peur
excessive de
la maladie.
Cette peur est pathologique dans le sens où elle est anticipée et
le cheminement de la pensée erroné : « J’ai
mal au ventre DONC j’ai un cancer de l’estomac »),
ou générer de la dépression.
Comment protéger les plus
vulnérables ? 2 conseils :
Les images fortes ont un effet
addictif sur le cerveau, et l'on a beau savoir que
ces images peuvent avoir un effet "nocebo", on se sent
malgré tout poussé.e à les consommer (un peu comme les
enfants peuvent être attiré.e.s par des films d'horreur en
minimisant l'impact qu'ils auront à supporter).
Pour les enfants, ou les
personnes anxieuses, notre conseil est de leur dire qu'il
est vital pour leur santé psychologique qu'ils.elles
parviennent à rompre cette boucle mortifère
quelques heures, ou quelques jours. Il s'agit donc :
- de parvenir à occuper son esprit avec une activité que l'on apprécie, laissant volontairement le média éteint,
- de s'astreindre à ne
consommer qu'une petite quantité d'information par
jour (15 min par exemple),
l'idée étant d'amoindrir
un maximum l'effet "nocebo" consécutif à la
surconsommation de l'information récurrente qui nous
inonde aujourd'hui.
- Assouline, David, Rapport d’information au Sénat au nom de la commission des Affaires culturelles sur L’impact des nouveaux médias sur la jeunesse, 2008-2009, https://www.senat.fr/rap/r08-046/r08-0461.pdf, consulté le 25 juillet 2016.
- Tisseron, Serge, Y a-t-il un pilote dans l’image ? Paris, Aubier, 1998.
- Tisseron, Serge, Enfants sous influence. Les écrans rendent-ils les jeunes violents ? Paris, Armand Colin, 2000.
- Tisseron, Serge, « Images violentes, violence des images », Tripodos, n° 15, 2003.
Auteur du livre : Ma vérité sur l'autisme, Jean-Luc ROBERT, N° ADELI : 779301076, consacre essentiellement sa carrière à l'étude et au traitement des troubles du comportement des enfants, notamment des autistes.