TDA/H,
autismes, névroses, états-limites, psychoses...
- Mars 2020
- par Jean-Luc ROBERT
- Psychologue à LezAPe
Nous constatons souvent qu'il existe un flou autour de la question du diagnostic de nos jeunes patient.e.s. Leurs parents nous consultent souvent avec une idée en tête née d'une recherche personnelle, d'un mot qui a été dit par un.e professionnel.le, ou de bilans passés. Mais qu'en est-il "au juste"? Pour quelles raisons cette question demeure-t-elle floue pour eux? Est-il important de l'élucider?
A lire aussi : https://www.santementale.fr/actualites/diagnostic-en-psychiatrie-on-ne-veut-pas-mettre-d-etiquette.html
Les diagnostics antérieurs :
Lors de la première consultation, le.la psychologue est souvent invité.e à consulter les bilans faisant état des diagnostics antérieurs. Les parents apportent ces documents afin que le.la clinicien.ne ait tous les éléments lui permettant d'aiguiller au mieux son avis, mais aussi pour les aider à les décrypter, le diagnostic posé ne leur paraissant pas toujours clair. On peut alors se demander la raison d'un tel flou. Ont-ils occulté cette question anxiogène? Leur a-t-on seulement dit de quel trouble il s'agissait?
1er cas de figure :
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Les parents à qui l'on n'a rien dit :
Lorsque le comportement de l'enfant est très perturbé et
que ce dernier rentre dans le circuit hospitaliser pour
passer un certain nombre de tests, nous constatons qu'il
s'opère parfois comme une sorte de dilution des
responsabilités quant à l'annonce du diagnostic, chaque
professionnel.le faisant son bilan et tirant ses
conclusions venant compléter son dossier (bilan
éducatif, bilan psychomoteur, bilan orthophonique, bilan
psychologique)... Ce dossier est ensuite remis à la
famille avec un discours qui peut tellement tourner
autour du pot, que le mot le plus important n'est jamais
prononcé ou noyé dans la masse d'informations.
Certain.e.s patient.e.s peuvent alors avoir le sentiment
que les clinicien.ne.s font preuvent d'un certain
ostracisme à leur égard :
"...je les soupçonne fort d’avoir fait leur diagnostic mais de refuser de me le dire, ce qui est très différent. Ca donne au psy un pouvoir sur nous. Il sait quelque chose sur nous qu’on ne sait pas et refuse de le partager..."
D'où vient cette frilosité?
Peut-être suppose-t-on que le.la
patient.e a compris ce qu'on a souhaité lui dire avec
tant de délicatesse, et que si ce n'était pas le cas,
il.elle comprendrait mieux en lisant les bilans? Mais
c'est alors oublier que lire et comprendre tous ces
bilans n'est pas une chose évidente pour ce.tte profane.
2ème cas
de figure :
⇒⇒
Les parents à qui l'on a dit ... sans leur
expliquer : A ceux-là, on lit le terme
technique du diagnostic sans leur expliquer sa
signification. Ils nous répètent donc que leur enfant
est atteint.e de tel ou tel trouble sans savoir ce qu'il
implique réellement :
- On nous a dit qu'il
s'agissait d'un Trouble Envahissant du Développement.
Et lorsque nous les interrogeons
sur ce trouble ils peuvent nous répondre :
- Nous avons lu je crois que c'est comme de l'autisme mais pas tout à fait, car Léa parle et elle n'a pas trop de retard.
Puis lorsque nous testons Léa âgée de 5 ans, nous constatons qu'elle ne comprend pas sans gestes et qu'elle s'exprime encore par mots-phrases.
- Connaissez-vous le PECS?
- Le quoi? Non jamais entendu
parler.
Et pourtant Léa a passé tous les
tests du circuit hospitalier normalement destinés à
constater son trouble, l'évaluer, puis à envisager une
prise en charge adaptée.
Que faire alors? Etre pédagogues
bien sûr, et expliquer à ces parents que le Trouble
Envahissant du Développement appelé Trouble du Spectre
de l'Autisme depuis la parution du DSM-V en 2013,
signifie bien que leur enfant est autiste et qu'il est
nécessaire de mettre en place un outil de communication
adapté comme le PECS (Picture Exchange Communication
System) pour compenser le retard de langage important
que nous constatons.
Attention
aux diagnostics-symptômes :
Nous sommes également surpris de
constater parfois qu'un diagnostic partiel a été
posé à une certaine époque, et que lorsque l'on gratte
un peu, le diagnostic posé jadis n'est en réalité qu'un
signe clinique parmi de nombreux, le tableau clinique
final étant bien plus complexe qu'il leur semble.
D'autres
fois, derrière le TDA/H toujours, se cache un.e simple
"enfant-roi" qui n'est motivé.e par rien d'autre que ses
jeux ou activités auxquels il.elle consacre une
attention sans faille. Cet.te enfant, prétendument
considéré.e comme ayant un Trouble de l'attention et
hyperactif.ve, reste pourtant sagement assis.e à nous
écouter pendant une bonne heure et passe tous nos tests
avec succès. Notre travail est alors d'aider les parents
à aller au-delà du diagnostic posé initialement, pour
comprendre le sens du symptôme qui ne se manifeste pas
lors de la consultation, mais qu'ils disent subir
quotidiennement.
Diagnostic
= Point de départ?
Que soigne-t-on? Comment le
soigner? Mais d'abord, que soigne-t-on? Sortir du
flou permet souvent de savoir où l'on va et comment y
aller. Or, comme nous l'avons dit précédemment,
certain.e.s professionnel.le.s éludent peu ou prou cette
question, pensant
probablement "épargner" le.la patient.e en lui
enlevant le fardeau d'un diagnostic qui serait trop
lourd à porter. Et les psychiatres, a qui il
revient en premier lieu de faire ces diagnostics, sont
malheureusement ceux et celles qui dérogent parfois à
ce devoir, laissant leur patient.e.s se
débrouiller avec un jargon qu'ils.elles appréhendent
mal.
Pourquoi cela?
Psychiatrie et psychanalyse : facette d'une même médaille?
Historiquement
en France, la psychiatrie et la psychanalyse ont
toujours été de pair, de sorte qu'on ne se posait même
pas la question de l'obédience des psychiatres gérant
leur service. Car nous savons que l'esprit
psychanalytique fidèle à la pensée Freudienne veut que
tout ne soit pas dit aux patient.e.s qui, en
cheminant, devront prendre conscience des éléments
déterminants jusque là inconscients, qui les mèneront
à une éventuelle guérison. Et nous constatons bien
aujourd'hui, que contrairement au premier, un.e
psychiatre d'obédience cognitivo-comportementale
annoncera le diagnostic de façon pragmatique, sans
envisager que le.la patient.e ait en partie à cheminer
vers cette vérité.
Loin
de notre esprit l'idée de fustiger ici la
psychanalyse ou les psychiatres, mais nous espérons
désormais qu'une évolution s'opère tout en restant
confondus de constater encore en 2020, que des
professionnel.le.s n'aient pas la volonté ou la
capacité d'annoncer un diagnostic à leur
patient.e.s.
Car
ce que nous constatons aujourd'hui, est que
certain.e.s patient.e.s et leur famille à qui les
choses n'ont pas été clairement annoncées, peuvent
minimiser l'importance des troubles, restant
passifs.ves des années durant, et ne plus savoir quoi
faire lorsque ces troubles enkystés depuis tout ce
temps s'aggravent logiquement et deviennent
insolubles. On se dit alors qu'ils.elles n'en seraient
peut-être pas là si le bon diagnostic avait été posé
précocemment et sans ambiguité, puis les bonnes
mesures prises.
Auteur du livre : Ma vérité sur l'autisme, Jean-Luc ROBERT, N° ADELI : 779301076, consacre essentiellement sa carrière à l'étude et au traitement des troubles du comportement des enfants, notamment des autistes.