L'inclusion
est-elle possible pour tous? Et pour l'autisme?
- JANV. 2022
- par Jean-Luc ROBERT
- Psychologue à LezAPe
>> EXTRAIT GRATUIT du livre ICI <<
La réalité de l'autisme?
Madame Sophie CLUZEL a-t-elle réellement en tête ce que représente un trouble autistique sévère? A entendre les beaux discours moralisateurs et humanistes, l'on pourrait croire qu'il suffit de décréter, puis d'inscrire dans la loi les choses, pour que Ô miracle, il soit possible d'inclure dans une classe ordinaire un enfant qui attrape tous les objets sur lesquels son regard se pose pour les détruire. Car pour les autistes les plus sévères en effet, il faut bien comprendre que l'ampleur de leurs troubles nécessite un marquage individuel de tous les instants. Sourds à tous les interdits, et incapables de tenir plus de 30 secondes sur une chaise, une intervention physique est systématiquement requise pour les empêcher de commettre toutes sortes d'actes interdits. Il s'agit pour les adultes d'avoir une hyperviligance éreintante. Il suffit honnêtement d'observer l'état d'épuisement de certains parents venant nous consulter pour le savoir. Oui, l'autisme appartient au domaine du handicap psychique, et pour les cas les plus graves, il faudrait envisager des moyens dont beaucoup n'ont pas idée pour réussir l'inclusion pour tous qui est fantasmée aujourd'hui.
Le handicap psychique.
Qu'est-ce que c'est?
Il
se traduit par des troubles du comportement qui vont de
modérés à sévères. Lorsqu'ils sont sévères, comme
c'est le cas pour certains jeunes autistes, il
faut avoir conscience que même le plus chevronné des
professionnels ne serait pas en mesure de les réduire
suffisamment pour qu'il soit possible qu'ils tiennent
dans une classe 7 heures par jour. Alors imaginez le
résultat lorsque ces jeunes sont confiés à des AVS (Auxiliaire
de Vie Scolaire) ou AESH (Accompagnantes
d'Elèves en Situation de Handicap) non
qualifiées, non formées, et sous-payées? Car la réalité
que ces indignés ignorent, est que personne n'a trouvé
la parade à ces déambulations infernales, ces
acrobaties sans filets, ces objets que l'on fait
tournoyer et rebondir à l'infini... Comment appréhender
les cris à la moindre frustration, les bains
sonores qui vont avec les va et vient
ininterrompus, l'agressivité aussi, soudaine,
qu'on ne comprend pas, la propreté non acquise à
un âge tardif, l'absence de langage et de
compréhension...
Quand
le handicap est sévère en effet, il faut savoir
s'incliner devant l'évidence de besoins spécifiques et
non s'engluer dans une idéologie philantropique qui
voudrait nous faire croire qu'au nom de l'égalité des
chances pour chaque humain, il faudrait coûte que coûte
maintenir ces enfants dans un système scolaire
classique. Et oui, selon le genre et la gravité
du handicap,
n'en déplaise à Madame la Secrétaire d'Etat, il est
possible ou non d'envisager une scolarité
dans une classe ordinaire.
Pour quelles raisons?
>> Parce que l'enfant
autiste qui souffre d'un handicap psychique important
ne progresse pas pendant tout le temps où il est
scolarisé dans une classe ordinaire. Il lui faudrait en
effet un enseignement individualisé comme le
préconise l'ANESM (L'agence
nationale de l'évaluation et de la qualité des
établissements et services sociaux et médico-sociaux)
et spécialisé, ce que ni l'enseignante, ni
l'AVS, sont en mesure de lui fournir. Un temps précieux
est donc perdu. Avant de maintenir un enfant dans une
classe ordinaire, il faut donc se demander si on lui
rend service ou pas. Les ESS permettent en
général de faire cette évaluation et d'accompagner les
parents pour prendre la bonne décision.
L'ESS (équipe de suivi de la scolarisation) comprend l'ensemble des personnes qui concourent à la mise en œuvre du PPS (projet personnalisé de scolarisation). Sont présents, l'élève handicapé et ses parents, l'enseignant référent, les enseignants de l'élève (y compris les enseignants spécialisés de l'établissement médico-social), les AESH, les professionnels de santé (y compris ceux issus du secteur libéral) et les professionnels des services sociaux. Le chef d'établissement et le psychologue scolaire sont également présents lors des ces réunions annuelles.
Il est bien sûr toujours douloureux pour un parent de devoir admettre que les troubles dont souffre son enfant sont trop importants pour permettre un maintien à temps complet en milieu ordinaire. Certains enfants autistes voient en effet leur temps de scolarisation réduit jusqu'à 1 ou 2 demi-journées par semaine seulement. Mais pour avoir participé de nombreuses fois à ces réunions, il faut bien dire qu'on aide ces parents à cheminer et à percevoir ce qui est le mieux pour leur enfant. N'est-il pas préférable que l'enfant sévèrement touché puisse bénéficier d'une structure adaptée à mi-temps lui permettant de faire les apprentissages qu'il ne fait pas à l'école?
Nous aimerions en effet qu'il soit possible de les maintenir au prix de gros moyens dans leur école, mais ne manquerions-nous pas alors d'humilité face à l'intensité de leurs troubles?
>> Parce que l'enfant autiste qui souffre d'un handicap psychique important souffre terriblement de devoir subir 7 heures durant les contraintes que lui impose le cadre scolaire. Il souffre de ne pas parvenir à faire ce qu'on lui demande, mais souffre aussi comme ses parents, d'être celui qui dérange les autres.
>> Parce que l'enfant
neurotypique quant à lui, peut aussi être en
difficulté pour se concentrer et apprendre, lorsque son
voisin est une pile électrique qui tourne autour de lui,
fait du bruit sans arrêt, et parfois même le frappe ou
lui déchire sa feuille plusieurs fois au cours d'une
journée. Je veux bien qu'on demande à cet enfant et à sa
famille de faire montre d'ouverture d'esprit et de
générosité. Mais ne doit-il pas y avoir une limite à
cette demande? Et peut-on soulever cette question sans
paraître dépourvu d'empathie?
Voilà
qui me fait dire, avec toute la compassion que j'ai
pour les parents d'enfant ayant un handicap très
lourd, qu'il est parfois préférable pour cet enfant
qu'il bénéficie d'une structure spécialisée qui lui soit
dédié. Alors, il ne s'agit pas en effet de la belle
inclusion pour tous vendue par Mme CLUZEL, mais
je demande à tous ceux qui s'indignent de répondre à
cette unique question : Qui fait les frais au final de
cette inclusion sans nuances ni concessions?
Auteur du livre : Ma vérité sur l'autisme, Jean-Luc ROBERT, N° ADELI : 779301076, consacre essentiellement sa carrière à l'étude et au traitement des troubles du comportement des enfants, notamment des autistes.