Les
limites de l'éducation positive...
- Mai 2021
- par Jean-Luc ROBERT
- Psychologue à LezAPe
->> Agressions
mortelles entre jeunes à ARGENTEUIL [Alisha],
IVRY-SUR-SEINE [Marjorie]
...
>> EXTRAIT GRATUIT du livre ICI <<
A lire aussi : https://www.lezape.fr/articles/du-bareme-des-punitions-a-l-education-positive.html
L'héritage de Françoise
DOLTO : l'enfant est une personne
Des droits leur ont été concédés,
le statut de personne leur a aussi été reconnu, et
chacun appréciera ou non qu'il soit désormais hors de
question qu'un maître leur donne des coups de règles sur
le bout des doigts, pratique répandue jusqu'aux années
70. On parlerait aujourd'hui de l'excès d'autorité d'un
adulte qui abuserait de sa position. Et alors que cet
adulte "sévère" était craint, il est désormais moqué,
voire violenté, parfois tué par l'enfant-Roi. Est-ce le fruit du discours Doltoïen
qui, il y a cinquante ans paraissait scandaleux et
absurde? Désormais passé dans les moeurs, cet
enseignement infuse aujourd'hui chez tous les soignants
et éducateurs de la petite enfance, avec comme
couvre-chef une éducation positive où il est
question avant toute chose d'apprendre à
développer une approche empathique
de l'enfant (accent
mis par la psychologie positive sur les forces
individuelles et la motivation personnelle pour
promouvoir l'apprentissage.) On
parle alors d'une parentalité bienveillante qui
ne se montrerait pas autoritaire (éviter le "NON"
catégorique mais proposer des choix, négocier...),
version de la parentalité jugée rétrograde.
Françoise
DOLTO (1908 - 1988) qui
a mené un noble combat en faveur de " la cause des enfants - F.
DOLTO, éd. Robert Laffont, Paris, 1985", a d'une certaine manière et
probablement à son insu, été l'un des éléments
déclencheurs de ce revirement par un discours qui
prônait l'écoute et l'empathie. Elle est ainsi devenue
le repère incontournable dans l'approche de la petite
enfance. Dont acte. Il ne s'agira
pas ici de dénigrer ce travail nécessaire qui a consisté
à sortir l'enfant de son statut d'infans, étymologiquement
: celui qui n'a pas la parole.
Mais
donner la parole à un enfant, entendre ses besoins,
signifie-t-il
qu'on doit le considérer tel son égal comme elle
l'a elle-même affirmé : "C'est un scandale pour
l'adulte que l'être humain à l'état d'enfance soit
son égal."?
Doit-on
aussi ignorer que pour le droit, le terme "infans"
désigne justement un être qui n'est pas encore doué
de raison? Car donner
la parole à un enfant signifie-t-il lui donner raison
en lui donnant le dernier mot?
Loin
de nous l'idée de faire un procès d'intention
post-mortem à Françoise DOLTO sur ces questions.
Mais l'on est tout de même en droit de s'interroger sur
le regard qu'elle aurait posé sur cette éducation
positive qui fait fureur aujourd'hui chez les parents.
Nous ne pouvons que constater que celle-ci est
plébiscitée dans une société qui a changé, et qui
souhaite bannir tout un système patriarcal qu'elle
dénonce à bien des niveaux.
L'absence du père
Mais avec la multiplication de faits divers où l'autorité de l'Etat est remise en question par la jeunesse partout sur le territoire, certains journalistes commencent à se poser des questions sur une éducation jugée trop laxiste. L'absence du père au sens figuré, l'absence d'une figure d'autorité castratrice et séparatrice (comme l'expliquait F. DOLTO elle- même), est-elle préjudiciable à notre société moderne?
Evidemment,
le discours des différents lobbies favorisant cette
éducation bienveillante où l'on s'arrange pour ne pas
vraiment dire "NON" à l'enfant, ne fait pas état de la
partie du discours de la psychanalyste Françoise
DOLTO, affirmant l'importance des limites
posées par un père/tiers séparateur.
A l'heure où un hashtag "Pasdevague" (oct. 2018)
s'est répandu viralement sur le web, relayé par des enseignants écrasés par des
délinquants de plus en plus jeunes, il est donc
vraiment temps de se souvenir de cette autre partie du
discours de Françoise DOLTO et de tant d'autres
psychanalystes, qui rappellent l'importance de limites
posées sans ambiguïté à l'enfant pour qu'il
trouve des repères et se construise. Un enfant qui
resterait dans un principe primaire de plaisir sans
rencontrer un "NON" franc quand cela est nécessaire,
serait condamné à souffrir une fois adulte des
nombreuses limites posées par la société, incapable
qu'il serait de les comprendre et de les accepter.
L'enfant l'égal de l'adulte?
Doit-on oublier que bien qu'il soit intelligent émotionnellement et intellectuellement, la croissance et l'évolution d'un enfant ne sont dans ces domaines pas achevées? Doit-on oublier qu'aucun enfant ne peut sans adulte devenir à son tour un adulte, c'est-à-dire, mature et capable d'intégrer l'interdit fondamental pour trouver sa place en société? Nous ne doutons pas que la psychanalyste qui était Françoise DOLTO l'avait bien à l'esprit lorsqu'elle mettait en avant l'importance du complexe d'Oedipe et d'un père agissant comme un tiers séparateur (mettre fin à l'état fusionnel entre la mère et le bébé). Et que dirait-elle aujourd'hui des tirs de mortiers d'artifice de plus en plus récurrents visant des policiers, des voitures et autres objets urbains incendiés chaque nuit? Que penserait-elle des enseignants qui vont travailler avec la boule au ventre? Que leur dirait-elle? Que penserait-elle de tous ces procès en légitimité qui touchent ces enseignants, mais aussi la police, et toute forme d'autorité? Il s'agit bien pour certains jeunes de marquer leur territoire, de s'affranchir de règles que voudraient leur imposer des adultes à un âge où l'on pourrait dire trivialement, que le mal est déjà fait. Car on ignore trop souvent que certains apprentissages doivent être précoces au risque de ne plus pouvoir se faire ultérieurement, ou très difficilement.
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Auteur du livre : Ma vérité sur l'autisme, Jean-Luc ROBERT, N° ADELI : 779301076, consacre essentiellement sa carrière à l'étude et au traitement des troubles du comportement des enfants, notamment des autistes.